AG de BNP : les scientifiques et ONG s’invitent à la fête

7 mois après le lancement de L’Affaire BNP par Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France, nos associations se sont invitées aujourd’hui à l’AG de BNP, aux côtés de scientifiques pour demander à la banque de rendre des comptes sur sa contribution aux dérèglements climatiques.

La première Assemblée générale de BNP Paribas depuis son assignation pour ses financements climaticides au développement des énergies fossiles, ce mardi 16 mai, a une saveur particulière pour les associations de L’Affaire BNPPour appuyer les demandes des Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France, des représentant·es de la communauté scientifique, membres du collectif Scientifiques en Rébellion, ont endossé le rôle d’actionnaires pour demander des comptes au Conseil d’administration de la banque la plus polluante de France.

BNP, grand mécène des dérèglements climatiques

Les chiffres sont sans équivoque : la banque française était le 1er financeur mondial de Total en 2022, et a accordé 165 milliards de dollars à l’industrie du charbon, du pétrole et du gaz depuis 2016.

Preuve de l’hypocrisie de BNP : cette Assemblée générale annuelle vient d’acter le renouvellement de Jean Lemierre, qui siège aussi au Conseil d’administration de Total – une des entreprises les plus agressives dans l’expansion du pétrole et du gaz -, à la présidence de la banque. En clair, la banque d’un monde qui change n’est autre que la banque d’un monde qui brûle… Combien de temps BNP Paribas s’obstinera-t-elle encore à nier la science ? Les alertes de la communauté scientifique sont pourtant sans appel : les experts du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) affirment que pour respecter l’Accord de Paris et ralentir l’emballement des températures, il faut impérativement cesser d’exploiter de nouveaux champs pétroliers et gaziers.

Des engagements loin d’être suffisants

Préalablement à son Assemblée générale, BNP a annoncé le jeudi 11 mai l’arrêt de financements dédiés au développement de nouveaux champs pétroliers ou gaziers. Si ces annonces constituent un premier pas dans la bonne direction, il y a un hic, et non des moindres : la banque cesse ses financements fléchés vers des projets d’expansion des énergies fossiles, mais elle refuse toujours de s’engager sur la fin de ses soutiens financiers aux majors du pétrole et du gaz. Autrement dit, ces nouvelles annonces sont encore loin du compte et permettent à BNP, en vue de ce rendez-vous annuel, de désamorcer les critiques envers le Conseil d’administration de la banque au logo vert. BNP continue de fuir ses responsabilités en s’obstinant à soutenir ses clients qui développent des projets de pétrole et gaz, et contribue ainsi massivement aux dérèglements climatiques. Le rapport Banking On Climate Chaos, publié en avril 2023, précise que BNP Paribas était le 1er financeur mondial des 9 majors européennes et américaines entre 2016 et 2022, en leur ayant accordé 45,4 milliards de dollars de financements. Il y a seulement trois mois, BNP Paribas accordait encore des financements significatifs à la major britannique BP et au pétrolier saoudien Saudi Aramco, deux entreprises parmi les plus offensives dans le développement de projets d’énergies fossiles. De tels soutiens financiers seraient encore possibles aujourd’hui, après les annonces trop timides du jeudi 11 mai.

Des membres du collectif Scientifiques en Rébellion s’invitent à la fête

Face à cette fuite en avant de BNP Paribas, des membres du collectif Scientifiques en Rébellion se sont invité·es à l’Assemblée Générale pour demander au Conseil d’administration de BNP de répondre des financements climaticides de la banque. En posant des questions à l’oral lors de l’AG, les scientifiques ont interpellé le Conseil d’administration de BNP pour le mettre face à ses responsabilités en matière climatique.

En vue de l’AG, des membres du collectif Scientifiques en Rébellion et des co-auteur·ices de rapports du GIEC avaient également soumis au Conseil d’administration de BNP une série de questions. Ces questions sont portées par les 600 scientifiques qui ont signé la lettre ouverte du 24 février 2023, adressée au Conseil d’administration de BNP pour lui enjoindre de cesser ses soutiens financiers, directs et indirects, aux nouveaux projets pétroliers et gaziers.

Pour Olivier Aumont, chercheur en océanographie et membre de Scientifiques en Rébellion, « Alors que les scientifiques tirent la sonnette d’alarme depuis des décennies, BNP Paribas, qui se prétend une banque verte, n’a même pas pris la peine de répondre à notre lettre ouverte signée par 600 scientifiques. »

Rappelons-le : les scientifiques ne devraient pas avoir à devenir actionnaires d’une banque pour se faire entendre sur l’urgence de cesser ses soutiens financiers à l’industrie mortifère des énergies fossiles, mais l’inaction de BNP en matière climatique est telle que des membres de Scientifiques en Rébellion ont été contraint·es d’acheter des actions pour investir l’AG de BNP.

Les demandes de nos associations prennent racine dans un constat clair et partagé par la communauté scientifique. Il y a urgence à agir !

Un accueil honteux par les actionnaires

Les actionnaires de BNP, grands défenseurs de l’ancien monde et profiteurs cyniques d’une planète à +4 °C, ont hué les interventions des scientifiques. Mais il y a pire : lors des interventions de représentant·es des communautés argentines et philippines impactées par des projets pétro-gaziers de Shell ou Total, soutenus par BNP, les activistes venus exposer les dégâts pour leurs communautés et leurs territoires ont fait l’objet de huées et d’insultes racistes (« Go back home ») de la part des actionnaires. Un comportement honteux, symbole d’un monde rétrograde qui se cramponne à ses profits mortifères pour l’environnement et les droits humains.

Les nouveaux engagements climatiques de BNP : beaucoup de bruit pour des effets très limités

À quelques jours de son Assemblée générale de 2023, BNP Paribas a annoncé son nouveau plan climat. Ces nouvelles dispositions, largement mises en avant dans la presse, pourraient laisser croire au grand public qu’un grand pas vient d’être franchi. En réalité, ces mesures appellent à beaucoup de réserves. BNP Paribas est encore très loin d’être à la hauteur de l’urgence climatique. En effet, le consensus scientifique est sans équivoque : nous devons renoncer immédiatement à tout soutien, direct ou indirect, à l’expansion de toutes les énergies fossiles.

Pas de vrai renoncement au soutien des énergies fossiles

BNP Paribas prévoit d’exclure les financements « directs » et « dédiés » aux nouveaux projets pétro-gaziers, mais pas aux entreprises qui portent ces bombes climatiques. BNP Paribas pourra donc continuer de recourir à d’autres instruments financiers (prêts, émissions de nouvelles obligations) pour soutenir des entreprises comme Total qui développent toujours de nouveaux champs d’énergies fossiles.

Ainsi, des services financiers clés comme les émissions obligataires échappent totalement à la politique de BNP Paribas. Entre 2016 et 2022, 37 % des financements de la banque à l’industrie des énergies fossiles étaient liés à ces émissions d’obligations. C’est donc un levier de financement massif pour les majors du secteur, clientes privilégiées de BNP Paribas.

En clair, avec ses nouvelles dispositions, BNP Paribas pourrait aujourd’hui encore conclure les mêmes financements, de plusieurs milliards de dollars, qu’elle a accordés aux géants pétro-gaziers BP et Saudi Aramco en février dernier.

Par ailleurs, lorsque BNP annonce l’arrêt programmé des “financements consentis aux acteurs non diversifiés de l’exploration-production pétrolière”, non seulement cette exclusion ne semble pas immédiate, mais ce ne serait pas une exclusion ferme des majors pétro-gazières, comme Total.

Enfin, sa politique épargne largement le gaz : BNP Paribas ne revoit pas ses engagements concernant ses soutiens aux entreprises actives dans le gaz. Comme déjà souligné lors de ses annonces de janvier, en créant une politique à deux vitesses entre pétrole et gaz, et en explicitant sa volonté de soutenir de nouveaux projets gaziers de transport (GNL) et de production d’électricité, BNP affiche ne pas en avoir fini avec le développement de cette énergie fossile, aux impacts climatiques maintes fois pointés du doigt par la science.

Pas de quoi berner la société civile et les scientifiques

Rappelons que depuis 2016, BNP Paribas est le 4ème financeur mondial du développement des énergies fossiles et le 1er financeur mondial des 9 majors européennes et américaines dans ce domaine. Les dernières annonces de la banque sont loin de suffire à la faire descendre de ce triste podium.

Plus que jamais, l’action en justice que nos associations (Les Amis de la Terre, Notre Affaire à Tous et Oxfam France) ont lancée en février dernier contre BNP apparaît indispensable afin que le tribunal judiciaire contraigne véritablement BNP à aligner ses engagements avec le consensus scientifique.

En attendant et depuis plusieurs mois, nombre de scientifiques et d’activistes se font l’écho de notre action et interpellent BNP Paribas sur sa politique climatique. Prochaine étape : l’Assemblée Générale de BNP, le 16 mai prochain à Paris. Nos organisations et des scientifiques, dont dix co-auteurs de rapports du GIEC, ont d’ores et déjà adressé des questions écrites au Conseil d’administration. Aux côtés de plusieurs scientifiques, nos organisations seront présentes le jour J pour entendre les dirigeants de BNP Paribas répondre de leur responsabilité sur le plan climatique. Soutenez-nous sur les réseaux sociaux et relayez la pétition pour notre action en justice.