17/12/2024
Deux ans après le lancement de notre action en justice, on peut se réjouir des nouvelles mesures annoncées par BNP Paribas, qui s’est récemment engagée à ne plus investir dans les nouvelles obligations des entreprises pétro-gazières. Ceci constitue une des quatre demandes principales de notre action en justice.
Pour rappel, ces nouvelles annonces succèdent à d’autres avancées ayant suivi notre action, notamment : une politique publiée en mai 2023 excluant les financements « directs » et « dédiés » aux nouveaux projets pétro-gaziers, et une décision annoncée en mai 2024 de ne plus émettre les obligations des entreprises pétro-gazières. Ces deux victoires concernaient déjà des demandes portées dans notre assignation en justice et notre mise en demeure d’octobre 2022 (1).
L’énergie déployée depuis deux ans par L’Affaire BNP pour contraindre la banque à mettre sa stratégie en accord avec le consensus scientifique commence donc à payer. Mais les interrogations demeurent nombreuses : ces dernières annonces concernant les investissements de la banque sont-elles cohérentes avec ce consensus et vont-elles assez loin pour considérer que la banque respecte son devoir de vigilance climatique ?
Pour ne pas continuer l’aggravation de la crise climatique, BNP Paribas doit arrêter dès aujourd’hui TOUT soutien financier aux développeurs, c’est-à-dire les entreprises qui ouvrent des nouveaux projets d’énergies fossiles comme TotalEnergies. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC), comme l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et les Nations unies, ces groupes œuvrent dangereusement contre la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C et même à 2 °C, et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050. En particulier, la banque doit arrêter :
C’est sur cette base que les organisations de L’Affaire BNP (Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France) ont assigné la banque en justice en février 2023.
Depuis mai 2024, BNP Paribas prétend qu’elle « s’abstient et s’abstiendra encore dans le futur de participer aux émissions obligataires conventionnelles des entreprises du secteur pétrolier et gazier actives dans l’exploration-production » (2). C’est une bonne nouvelle car BNP Paribas est l’un des leaders du financement du secteur. Elle a ainsi accordé US$23,9 milliards aux développeurs entre 2021 et 2023, et 44 % de ces financements sont passés par des émissions d’obligations. Autrement dit, BNP Paribas s’engage notamment à ne plus émettre certaines nouvelles obligations, y compris pour les plus grandes entreprises pétro-gazières, dont BNP Paribas a été le 3ème financeur mondial entre 2021 et 2023 (3).
Malheureusement, des zones d’ombre persistent sur la portée de cette annonce, qui pourraient masquer d’importantes failles :
Si BNP Paribas s’est engagée en mai 2024 à ne plus faciliter les émissions d’obligations de développeurs via sa banque d’investissement, elle continuait d’acheter des obligations de ces entreprises fossiles via son activité de gestion d’actifs. Comme démontré par Reclaim Finance, TotalEnergies a encore levé US$4.25 milliards sur le marché obligataire en avril dernier, et l’on retrouve BNP Paribas parmi les investisseurs ayant acheté ces obligations (4).
La nouvelle politique de la filiale de la banque, BNP Paribas AM, publiée fin novembre 2024 implique qu’elle s’abstiendra donc d’acheter de nouvelles obligations des développeurs comme TotalEnergies.
La banque écrit noir sur blanc dans sa politique climatique : “nous exclurons de notre univers d’investissement (…) les obligations émises sur le marché primaire par des sociétés d’exploration et de production de pétrole et de gaz.” Elle définit ces entreprises comme “toutes les sociétés actives dans le secteur pétrolier et gazier ‘upstream’, quelle que soit la part de pétrole et de gaz produite » (5).
BNP Paribas a donc fait le choix logique de cesser d’investir dans des produits financiers qu’elle refuse par ailleurs de structurer et d’émettre car contribuant au dérèglement climatique.
De plus, le rachat potentiel du gestionnaire d’actifs d’AXA, AXA IM, annoncé cet été, devrait propulser BNP AM à la 2ème place européenne, derrière Amundi (le gestionnaire d’actifs du Crédit Agricole).
L’Affaire BNP se réjouit de voir BNP Paribas répondre à une demande de notre assignation en justice. Nous attendons désormais qu’elle inscrive noir sur blanc cette politique pour sa banque d’investissement également, qu’elle dit pourtant déjà mettre en place en pratique.
Mais pour que la banque respecte son devoir de vigilance climatique, il est impératif que cette politique soit encore améliorée, car :
Les dernières annonces de BNP Paribas font ressortir un manque de cohérence criant : la banque applique un double standard entre ses différentes activités.
Tout d’abord, BNP Paribas a-t-elle arrêté d’octroyer de nouveaux prêts à des entreprises qui, comme TotalEnergies, prévoient de nouveaux projets de pétrole et gaz ? La réponse est non. En effet, elle refuse d’appliquer à ses activités de crédits ce qu’elle prétend appliquer à ses activités de gestion d’actifs et d’émission obligataire.
Pourtant, les prêts généraux représentent plus de 54% des financements qu’elle a accordés à l’expansion des énergies fossiles entre 2021 et 2023 (3), et contribuent massivement au développement du secteur. BNP Paribas continue à octroyer ce type de financements. C’est ainsi qu’elle a contribué à l’automne 2024 à un prêt de 2 milliards d’euros à l’énergéticien polonais ORLEN, une entreprise développant de nouveaux projets pétroliers et gaziers. C’était aussi le cas du développeur allemand RWE plus tôt dans l’année (7).
Par ailleurs, comme expliqué plus haut, ce même double standard demeure également pour les activités d’émissions d’actions ou d’achats d’actions (gestion d’actifs), pour lesquelles BNP Paribas n’a pris aucune mesure de vigilance climatique.
Enfin, l’ensemble des engagements de BNP Paribas pour ses différentes branches ne concernent que les activités d’exploration et de production, dites “upstream”. Elle laisse de côté des activités de transport et notamment les terminaux de gaz liquéfié (GNL), qui n’ont pas leur place dans le scénario qui vise la neutralité carbone d’ici 2050 de l’Agence internationale de l’énergie.
Avec ses dernières annonces, BNP Paribas reconnaît ce que les ONG n’ont cessé de répéter et d’étayer : lorsque la banque accorde des financements “généraux” – c’est-à-dire non fléchés à une activité ou à un projet – ou investit dans une entreprise développant pétrole ou gaz, elle contribue à cette expansion pourtant incompatible avec l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 °C et avec les standards internationaux.
Certes, BNP a diminué ses financements à l’industrie du pétrole et du gaz en 2023 et, grâce à la pression citoyenne, semble enfin reconnaître la nécessité de diminuer le recours aux énergies fossiles. Mais pour se rapprocher des exigences du devoir de vigilance climatique, elle doit aller plus loin en actant fermement et définitivement la fin de toute forme de soutien financier aux développeurs de projets d’énergies fossiles. BNP Paribas ferait alors figure de cheffe de file et inciterait l’ensemble des acteurs du secteur financier à opérer ce virage nécessaire pour le climat.
NOTES :