03/10/2025
Le principal enjeu du procès de L’Affaire BNP – porté par Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France – devant les tribunaux est d’exiger de la banque d’arrêter dès aujourd’hui TOUT soutien financier aux développeurs d’énergies fossiles, c’est-à-dire aux entreprises qui prévoient de nouveaux projets de pétrole et de gaz.
Via ses dernières annonces que nous vous décryptons plus bas, BNP Paribas semble reconnaître, en apparence, ce que les ONG n’ont cessé de répéter et d’argumenter : lorsque la banque accorde de nouveaux financements ou investissements “généraux” – c’est-à-dire non fléchés vers une activité ou un projet particulier – à une entreprise développant de nouveaux projets de pétrole et gaz, elle contribue à cette expansion des énergies fossiles pourtant incompatible avec l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 °C et avec les standards internationaux.
Pourtant, quand l’Affaire BNP dit que ces évolutions dans les pratiques de BNP Paribas sont insuffisantes, elle ne pinaille pas. En effet, un fait important ne trompe pas : le soutien financier de BNP Paribas à l’expansion des énergies fossiles a augmenté en 2024 par rapport à 2023 (1).
Certes, BNP Paribas a pris un certain nombre d’engagements depuis le début de notre action en justice il y a trois ans et grâce à la pression citoyenne, pouvant donner l’impression qu’elle prend acte de la nécessité de diminuer le recours aux énergies fossiles.
Nous relevons cependant dans cet article les nombreux “trous dans la raquette” de sa politique interne, qui en réalité permettent encore à BNP de participer aux activités climaticides des développeurs fossiles (récemment Saudi Aramco ou encore Equinor) et de ne pas respecter ses obligations climatiques. Trois ans après le lancement de l’action en justice, nous décryptons les évolutions de BNP en matière d’engagements climatiques.
Selon le rapport international Banking On Climate Chaos publié en juin 2025 (1), BNP Paribas a fait pire en 2024 qu’en 2023, en accordant 5,9 milliards de dollars de financements (prêts et émissions d’actions et obligations) aux développeurs d’énergies fossiles, soit une hausse préoccupante de 37 %. La banque conserve ainsi sa place de premier soutien français au développement des énergies fossiles. Entre 2021 – année où elle a promis d’atteindre la neutralité carbone en 2050 – et 2024, BNP a accordé 28,3 milliards de dollars de financements à l’expansion.
En particulier, elle continue de soutenir financièrement l’expansion via de nouveaux prêts aux entreprises qui ouvrent des champs de pétrole et gaz. La banque a ainsi octroyé des prêts à 8 entreprises développeuses en 2024 (1). Parmi elles, on retrouve des multinationales particulièrement connues pour la menace qu’elles représentent pour le climat. Par exemple, BNP a fait en 2024 un prêt à Equinor. Cette major norvégienne qui exploite les énergies fossiles en milieu marin notamment, a annoncé en février 2025 revoir à la baisse ses ambitions dans les énergies renouvelables et à la hausse sa production d’hydrocarbures.
Durant les trois années qui ont suivi le lancement de notre action en justice – en octobre 2022 –, BNP Paribas a annoncé des changements de ses politiques et de ses pratiques dans le secteur de l’énergie. La banque a notamment annoncé en mai 2024 ne plus émettre de nouvelles obligations conventionelles d’entreprises actives dans la production pétro-gazière – via sa filiale BNP CIB –, puis s’est engagée à ne plus investir dans de telles obligations en décembre 2024 – via sa filiale de gestion d’actifs BNP AM en décembre 2024, puis via sa filiale d’assurance BNP Cardif en avril 2025.
L’énergie déployée depuis trois ans par L’Affaire BNP et la pression exercée par la société civile – étudiant·es, climatologues, économistes, activistes… – ont contraint BNP à prendre ces engagements, qui se sont traduits par une baisse de l’exposition de la banque à l’expansion des énergies fossiles en 2023 et 2024 par rapport à la période 2016-2022 (1). En 2021 comme en 2022, BNP injectait 9 milliards de dollars dans les entreprises développeuses de projets fossiles. Après le début de notre action en justice fin 2022, ce chiffre a été divisé par 2 en 2023.
Le rappel constant des liens toxiques entretenus avec l’un des plus grands responsables de la crise climatique, TotalEnergies, a porté ses fruits en 2024, où BNP Paribas ne lui a fourni aucun financement ou service, selon nos données disponibles (5), alors que la banque était son premier partenaire financier en 2021 et 2022 (2). Pour autant, son soutien financier à l’expansion fossile a augmenté en 2024 par rapport à 2023 et les manquements et interrogations demeurent nombreux. Comment est-ce possible ? À quoi s’attendre dans les prochaines années ? Pourquoi BNP ne suit-elle pas réellement les recommandations des scientifiques ?

Les dernières annonces de BNP Paribas font ressortir un manque de cohérence criant : la banque applique un double standard entre ses différentes activités.
Tout d’abord, BNP Paribas a-t-elle arrêté d’octroyer de nouveaux prêts à des entreprises qui prévoient de nouveaux projets de pétrole et gaz ? La réponse est non. En effet, elle refuse d’appliquer à ses activités de crédits ce qu’elle prétend appliquer à ses activités d’émissions et d’achats de nouvelles obligations.
Par ailleurs, si elle prétend désormais appliquer à ses activités d’émissions ou d’achats d’obligations des mesures de vigilance en matière climatique, elle se refuse toujours à appliquer ces engagements climatiques à ses activités de crédits et d’émissions et achats d’actions. Elle a ainsi, en 2024, participé à l’émission d’actions pour Saudi Aramco (3), l’entreprise prévoyant la plus grosse expansion dans les champs de pétrole et de gaz à court terme.
Enfin, l’ensemble des engagements que BNP Paribas pour ses différentes branches au cours des trois dernières années et en réaction à L’Affaire BNP, ne concernent que les activités d’exploration et de production de pétrole et gaz, dites upstream. Elle laisse de côté de nombreuses activités qui ont lieu tout au long de la chaîne d’approvisionnement des énergies fossiles, qui contribuent à encourager l’expansion du secteur et engendrent de graves émissions de gaz à effet de serre. C’est notamment le cas des nouveaux terminaux de gaz “naturel” liquéfié – GNL –, qui n’ont pourtant pas leur place dans le scénario qui vise la neutralité carbone d’ici 2050 de l’Agence internationale de l’énergie (4). Ces terminaux sont essentiels à l’approvisionnement du GNL de par le monde car ils permettent au gaz d’être liquéfié afin d’être transporté par bateaux (appelés méthaniers). Elle a par exemple récemment accordé de nouveaux soutiens au groupe américain Sempra, acteur clé du GNL et de l’exportation de gaz de schiste depuis les Etats-Unis.
Il en résulte que si, en apparence, BNP semble aller dans le sens de certaines recommandations scientifiques depuis le début du procès, elle ne le fait en réalité qu’en demi-teinte, ce qui est très inquiétant.
En résumé, tant que BNP ne prendra pas des engagements reflétant réellement les exigences de la science, elle continuera à utiliser notre argent pour permettre le développement de nouveaux projets climaticides.
Enfin, une autre tendance inquiétante a pu être observée depuis trois ans, venant de BNP Paribas et notamment de sa banque d’investissement (CIB). BNP a en effet fait plusieurs nouvelles annonces, principalement en réponse aux questions de L’Affaire BNP lors de ses assemblées générales successives ; annonces que le groupe n’a aujourd’hui pas encore traduites dans des politiques fermes ni dans son plan de vigilance.
Alors que BNP utilise habituellement l’outil de ses politiques sectorielles pour entériner officiellement l’exclusion de certains de ses clients polluants, sa politique sectorielle pétrole et gaz n’a pas été mise à jour depuis mai 2023 et ne prévoit notamment toujours pas la fin des émissions obligataires aux producteurs d’énergies fossiles. En réponse à nos questions sur ce point lors de son assemblée générale 2025, en mai, la banque nous a ainsi expliqué que cette décision relevait d’un simple “acte managérial”, une décision interne en somme, “qui n’a pas matière à être intégré dans une politique”. Un mois plus tard, le rapport Banking On Climate Chaos révélait que BNP Paribas avait en 2024 participé à une émission d’obligations pour l’entreprise émirati Abu Dhabi Developmental Holding Company PJSC, qui prévoit de développer de nouvelles réserves pétro-gazières au Canada et aux Pays-Bas.
La vigilance climatique de la première banque de l’Union européenne ne peut évidemment pas relever uniquement d’arbitrages internes, sur lesquels BNP pourrait potentiellement revenir. C’est un signal inquiétant et une remise en question de la responsabilité de la banque face à ses investisseurs et à la société. BNP Paribas ne doit par ailleurs pas uniquement faire du climat une variable d’ajustement dans le calcul de ses risques financiers. Elle doit au contraire prendre en compte l’incidence matérielle de ses activités sur le climat, dans un changement de pratique réellement aligné sur la science.
L’écrasante majorité des financements de BNP à l’expansion upstream du pétrole et du gaz en 2024 s’est faite via des prêts généraux.
Comme nous ne cessons de le dire, on ne peut pas se contenter des déclarations d’intention de la banque de baisser progressivement ces crédits.
BNP Paribas ferait alors figure de cheffe de file sur le climat et inciterait l’ensemble des acteurs du secteur financier à opérer ce virage nécessaire pour la transition énergétique.
| Si la mobilisation citoyenne et les demandes des scientifiques ne réussissent pas dans les mois qui viennent à faire bouger BNP, la banque devra en répondre devant la justice dans le procès de “L’Affaire BNP” dont l’audience est attendue pour 2026. On ne lâchera rien ! Une banque aussi importante au niveau mondial qui finance des nouveaux projets fossiles, condamnant ainsi notre avenir et mettant en danger les conditions de vie de milliards de personnes, c’est illégal et nous le ferons savoir ! |
Vous pouvez également retrouver une analyse détaillée des différents trous dans la raquette des évolutions de BNP, en cliquant sur le bouton ci-dessous :