L’Affaire BNP : menacée d’une action en justice, BNP Paribas communique mais ne répond pas aux demandes des ONG

25/01/2023

Le 26 octobre 2022, les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France avaient donné trois mois à BNP Paribas – 1er financeur européen et 5ème mondial du développement des énergies fossiles (1) – pour se mettre en conformité avec la loi sur le devoir de vigilance (2). BNP Paribas apporte une première réponse à “L’Affaire BNP” en communiquant sur de nouveaux engagements trop faibles pour satisfaire l’exigence scientifique la plus claire pour répondre à la crise climatique : renoncer aux nouveaux projets pétroliers et gaziers. BNP est contrainte de faire des annonces, qui ne sont pas à la hauteur de sa responsabilité face aux défis climatiques. 

À deux jours du délai légal accordé à BNP Paribas pour répondre à cette mise en demeure, la banque française annonce par exemple réduire d’ici 2030 80 % de  l’encours de financement à l’extraction et la production de pétrole, et de 30 % pour le gaz (3). Traduction : un engagement qui ne couvre pas l’ensemble de ses activités de soutiens aux énergies fossiles et ne met pas fin aux financements de nouveaux projets pétroliers et gaziers. 


Les engagements annoncés par BNP Paribas continuent, en effet, d’ignorer la première leçon à tirer des travaux scientifiques et la première demande de la mise en demeure : cesser immédiatement de soutenir financièrement – directement comme indirectement – les nouveaux projets d’énergies fossiles. BNP Paribas se contente d’assurer ne plus avoir financé de projet pétrolier depuis 2016, laissant de côté une vaste partie du problème. Du fait de l’ensemble de ses soutiens financiers à l’ensemble des énergies fossiles (4), BNP Paribas s’est imposée entre 2016 et 2021 comme le 1er financeur au monde de 8 géants pétro-gaziers qui prévoient à eux seuls plus de 200 nouveaux projets d’énergies fossiles (5). Un rapport publié encore ce mois par 13 ONG, dont Reclaim Finance et les Amis de la Terre France, a révélé que depuis qu’elle a rejoint la Net-Zero Banking Alliance (NZBA) en avril 2021, BNP Paribas a été impliquée dans 30 transactions apportant 7,1 milliards de dollars à une dizaine d’entreprises développant de nouveaux projets d’énergies fossiles (6).

Pour Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre France : “Avec ces engagements, BNP Paribas manque une nouvelle occasion de traduire en action les appels répétés de la communauté internationale à stopper la course folle des investissements dans les pétrole et gaz. L’Agence internationale de l’énergie comme les Nations Unies ont pourtant, l’une comme l’autre, affirmé qu’il s’agissait d’une ligne rouge (7). BNP Paribas ne peut plus prétendre s’engager pour la neutralité carbone tout en continuant à miser sur le développement de nouvelles réserves d’énergies fossiles”.

Les cibles de réduction de ses encours à l’extraction et à la production de pétrole et de gaz à horizon 2030, dont se dote aujourd’hui BNP Paribas, sont certes une reconnaissance de la nécessité d’engager une sortie rapide des énergies fossiles. Malheureusement, ces annonces laissent complètement de côté les soutiens de BNP Paribas via ses activités d’émission d’actions et d’obligations, levier pourtant clé de financements pour les entreprises du secteur. 

Alexandre Poidatz, responsable de plaidoyer à Oxfam France, ajoute : “Derrière cet effet d’annonce, une réalité bien plus complexe :  les cibles de réduction définies par BNP Paribas n’empêchent pas la banque de maintenir dans le même temps ses soutiens aux entreprises qui développent de nouveaux projets d’hydrocarbures incompatibles avec le budget carbone présenté par le GIEC. Un prêt accordé aujourd’hui et permettant le développement d’un nouveau projet d’énergies fossiles ne figurera pas obligatoirement dans les encours de la banque en 2030, même si cette infrastructure continuera à polluer bien au-delà de 2030.

Justine Ripoll, responsable de campagne à Notre Affaire à Tous, conclut : “Si ces engagements constituent la seule réponse à notre mise en demeure, nous pouvons d’ores et déjà dire qu’ils sont absolument insuffisants. La méthode reste la même : jouer sur la méconnaissance du public des activités et termes du secteur financier pour masquer le manque d’ambition et de sens des responsabilités d’un financeur du chaos climatique.

Notes : 

(1) Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous Environmental Network, Oil Change International, Reclaim Finance, Sierra Club, Urgewald, mars 2022, Banking on Climate Chaos – Fossil Fuel Finance Report 2022. Le rapport, ainsi que la base de données désagrégée par acteur financier et entreprise, sont disponibles en ligne.

(2) Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous, Oxfam France, octobre 2022. Dossier de presse – Affaire BNP Paribas : vers le procès d’un financeur du chaos climatique.

(3) Communiqué de presse diffusé par BNP Paribas le 24/01/2023  : “BNP Paribas, leader affirmé du financement de la transition énergétique, engage une nouvelle étape de forte accélération”.

(4) En ne finançant pas directement de nouveaux projets pétroliers, BNP Paribas laisse de côté le secteur gazier. Par ailleurs, cela ne concerne qu’une partie réduite des soutiens de la banque aux développement des hydrocarbures, les financements de projets : ni ses prêts aux entreprises, ni ses investissements sur les marchés financiers, ni ses aides à l’émission de nouvelles actions ou obligations en sont concernés. 

(5) Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous Environmental Network, Oil Change International, Reclaim Finance, Sierra Club, Urgewald, mars 2022, Banking on Climate Chaos – Fossil Fuel Finance Report 2022. Le rapport, ainsi que la base de données désagrégée par acteur financier et entreprise, sont disponibles en ligne.

(6) Les Amis de la Terre France et Reclaim Finance, communiqué de presse diffusé le 17 janvier 2023 : Hypocrisie climatique : les acteurs financiers engagés pour la neutralité carbone jettent de l’huile sur le feu

(7) Dans son World Energy Outlook 2021, l’AIE a conclu qu’“aucun nouveau gisement de pétrole et de gaz n’est nécessaire en dehors de ceux dont l’exploitation a déjà été approuvée” pour limiter le réchauffement global à 1,5 °C. Son World Energy Outlook 2022 continue de mettre en avant ce constat. Au contraire, l’AIE souligne que « personne ne devrait imaginer que l’invasion de la Russie peut justifier une vague de nouvelles infrastructures pétrolières et gazières dans un monde qui veut atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ». De même, le groupe d’experts de haut niveau des Nations Unies (HLEG) a souligné dans son rapport de novembre 2022 qu’“il n’y a pas de place pour de nouveaux investissements dans l’approvisionnement en énergies fossiles”. UN High Level Expert Group (HLEG), novembre 2022. Integrity matters : net zero commitments by businesses, financial institutions, cities and regions

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